Jeune auteur en vogue en Angleterre, connu pour ses
participations à l’écriture des scénarii de
films de Stephen Frears (My beautiful
laundrette et Sammy et Rosie s’envoient en
l’air), Hanif Kureishi dépeint
toujours avec beaucoup d’ironie et de tendresse
les agissements et déboires de ses pairs anglais.
Dans ce recueil de dix nouvelles, nous suivons des jeunes
gens souvent désabusés, qui se situent vers la
trentaine ou quarantaine, en proie à des
questionnements existentiels sur leur propre avenir
amoureux ou professionnel.
C’est par exemple le cas de Rob (Comme
des étrangers) qui organise un week-end
d’escapade avec sa maîtresse Florence, laquelle
vient accompagnée de son mari. Situation
vaudevillesque en diable qui conduit à des moments
fort drôles. Mais Kureishi n’est pas Feydeau
et il y a ici bien plus de finesse et de profondeur
dans l’étude de ses personnages attachants et
fragiles. Sur lesquels le temps a passé et laissé
bien des cicatrices, ainsi Nick (En ce temps-là)
ancien musicien aujourd’hui producteur bien rangé
qui renoue avec Natacha, une ancienne petite amie
restée un peu en marge. La légèreté des premières
nouvelles fait bientôt place à plus de gravité et
de nostalgie. L’auteur dans Fille de sa mère
évoque l’épineux problème des mariages mixtes,
ici entre un indien et une anglaise, lors d’une
visite de présentation à la mère de la jeune
fille, durant laquelle chacun reste sur des
positions fermes, sans concessions, sans réelle
volonté de comprendre l’autre. Vision cruelle de
relations à nouveau exploitée dans Des cailloux
à sucer, où Marcia professeur rêve de devenir
écrivain et sollicite l’aide d’une auteur
connue, condescendante et juste curieuse de son expérience
de prof en vue de l’écriture d’un prochain
roman. Dans Enfin on se rencontre, c’est la
confrontation singulière entre un mari et l’amant
de sa femme, drôle de relation triangulaire pour
laquelle les deux hommes n’ont pas les mêmes
motivations et ne semblent pas voir la même femme.
Il est donc beaucoup question de séparations,
d’incompréhensions entre des êtres humains un
temps unis, même amoureux que l’usure du temps a
fini par éloigner et rendre hostiles.
Des histoires bien sûr vieilles comme le monde, que Kureishi
actualise, modernise les plaçant principalement
dans cette Angleterre des années Tchatcher,
exsangue et essorée, désabusée en tout.
Heureusement, il sait aussi leur insuffler pas mal
d’humour et de distanciation ce qui nous sauve
d’une lecture trop éplorée. On y sent notamment
son goût avéré pour la musique, la pop en tout
premier lieu, qui traverse souvent ces dix récits désenchantés
et tragi-comiques.
Patrick
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