Une voiture
file sur l’autoroute, Romain et Julien roulent
dans la nuit. C’est Romain qui conduit mais
c’est Julien qui connaît la destination, lui seul
C’est pour lui un voyage impératif, le besoin
d’un retour aux sources de l’adolescence –
"aller voir ailleurs si j’y suis" - pour
mieux couper ce cordon-là, tendre et aliénant.
Les
lignes blanches de l’asphalte défilent, rythme
hypnotique qui éclaire faiblement leurs visages.
Les deux garçons s’aiment. Dans l’habitacle tiède
et obscur, ils sont comme hors du temps, hors de
toute contrainte hormis celles qu’ils
s’imposent.
Ce
soir, il s’agit pour Julien de régler son compte
au non-dit de la fin de l’enfance, mettre à nu et
en lumière un moment tu de son adolescence.
A la saison froide, il choisit de revenir dans la
maison qui fut celle de son enfance, de ses vacances
entre sel et mer avec ses cousins. Là-bas, un été,
il s’est passé quelque chose de fort et
souterrain, une fêlure qui grandit depuis, un
abandon d’un univers matrice, comme un reniement.
Une rupture de liens pour en nouer d’autres, plus
vénéneux.
Alors
guérir d’une enfance, d’une adolescence,
c’est peut-être ça, être adulte.
Lire La Mémoire
neuve de Jérôme
Lambert (Ed. de l’Olivier), c’est aimer que
tout ne soit pas dit d’emblée, mais que tout soit
envisageable au fil des pages. C’est se perdre
parce que Julien, le narrateur, se trouve
finalement, en ayant sans doute cru se retrouver.
Avec
des mots d’une poésie fragile comme un coquillage
brisé qu’on retrouve au fond d’une poche,
d’une force têtue, Jérôme
Lambert évoque en pointillé, d’une écriture
limpide, ce moment où l’on devient ce que l’on
est, avec la plus grande tendresse, la plus grande
attention à l’autre, mais aussi le souci de soi
le plus cruel, le plus carnassier.
Christelle
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