Dès
la couverture, l'univers de La Robe est posé.
Il s'agit d'un tableau d'Egon Schiele,
lumineux naturellement mais brouillé comme par un
effet de brouillard. Cette atmosphère trouble
enveloppe chaque page de ce roman qui oscille sans
cesse entre récit d'initiation et nouvelle
fantastique de manière envoûtante.
Dans
une ville de garnison, sans nom, sans aucune date,
un officier est fasciné par l'histoire que lui
raconte l'un de ses hommes, Alvinczy, tombé
amoureux d'une femme mystérieuse. Lui-même par à
sa recherche et entame une relation, essentiellement
sexuelle, avec elle. Il n'est pas le seul et le
sait, mais le magnétisme de la jeune fille l'amène
à poursuivre un autre fantôme, un personnage quasi
mythique, mi-maquereau, mi-prophète.
A
partir de cette histoire, présentée comme si
l'officier la racontait à un tiers, citant sans
cesse les récits d'autres personnes, prend tout de
suite le lecteur dans son tourbillon de mises en abîme
successives, captant l'intérêt par sa brièveté
et sa vivacité. Comme dans une nouvelle. Et quitte
à citer un novelliste en exemple, autant se
rapprocher au plus près, pas trop loin d'Edgar
Allan Poe pour être précis. Comme chez l'Américain,
on évolue dans un univers informe, dont on ne sait
rien et où l'on évolue en aveugle, dans le même
brouillard que le personnage. Le processus
d'identification s'opère d'ailleurs
merveilleusement, malgré la violence et la sexualité
débridée qui parcourt les pages du livre de Robert
Alexis.
Et
puis, il y a le magnétisme de Hermann, le
marionnettiste faustien et diabolique qui manipule
tout le monde, tel un démon sublime, auquel
l'officier ne résiste pas. Car au travers des jeux
pervers qu'il met en place, il permet aussi à son
entourage de se révéler à lui-même, même au
prix de profondes humiliations.
Quant
au style lui-même, son expressionnisme et son
romantisme emporte le lecteur de page en page, comme
par enchantement, sans qu'il s'en rende compte, pris
dans le tumulte auquel il assiste. Avec violence
dans l'évocation des scènes, ou légèreté
lorsque l'auteur pénètre l'esprit torturé
de ses personnages, chaque fois les phrases touchent
juste et semblent percer les vérités dissimulées
aussi profondément que Hermann y parvient.
Court
et touchant, La Robe prend le lecteur par la
main comme pour lui montrer les perversions les plus
atroces comme la beauté la plus pure dans un monde
gris indéfini. Et donne envie d'y rester plongé,
avec le même enthousiasme que dans les meilleurs
passages des littératures romantiques russes ou
allemandes.
Julien
Damien
Date
de parution : janvier 2006.
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