Ce
livre d’Erri De Luca, écrivain italien
contemporain, comporte 18 nouvelles, et démarre par
un poème en vers dédié à sa mère, Mamm’Emilia,
et indirectement à toutes les mères (« parce
qu’être deux commence par elles »). Et
ces nouvelles évoquent des thèmes aussi universels
que la solitude, l’engagement politique, la foi,
la rencontre amoureuse… à travers des histoires
faussement banales, et à travers elles, cherchent
à mettre en exergue ce qui peut unir les hommes et
leur permettre ainsi d’échapper à la solitude.
Mais évidemment, la solidarité humaine ne
fonctionne pas à tous les coups, parce qu’elle
peut aussi se refuser, et on a dans ce livre
l’illustration que les hommes savent tout aussi
bien s’aimer que se déchirer… « Deux
n'est pas le double mais le contraire de un, de sa
solitude. Deux est alliance, fil double qui n'est
pas cassé. »
Son livre parle donc d’engagement politique (avec
des personnages jeunes, vifs, arrogants, porteurs
d’utopies intenses et révolutionnaires, parfois
maladroites mais toujours sincères, qui les
poussaient à vouloir changer de monde…) – de
montagne (très belle métaphore qui permet de
comprendre que les hommes peuvent être encordés
les uns aux autres, à des distances et à des plans
différents, tout en restant fondamentalement
seuls…) – de rencontre amoureuse (belle « coïncidence »
entre un homme et une femme)… Multiples thèmes
qui pourtant se rejoignent. Comme Erri de Luca
qui est lui-même multiple (ayant été justement
lui-même tour à tour révolutionnaire d’extrème-gauche,
ouvrier, militant humanitaire, bibliste, écrivain,
alpiniste…), mais pourtant, toujours aussi engagé
dans ce qu’il fait. Ouvert, mais sans concessions
inutiles. Curieux mais avant tout fidèle à ce
qu’il a été. Exigeant et sans complaisance
envers lui-même.
Ce livre lui ressemble, et frappe par le côté cohérent
et structuré qui s’en dégage. Entre le personnel
(on devine bien que les nouvelles sont la plupart
autobiographiques) et l’universel (elles parlent
pourtant à tout le monde !), entre les
urgences qui obligent à courir, et les pauses
salutaires qui obligent à réfléchir, à ne plus
fuir. Le jeu de la vie est personnel mais toujours
aussi collectif. Cérébral, mais aussi sensoriel,
charnel, sensuel. Fil fragile de la vie qui oblige
l’homme à faire face à sa solitude et à
choisir, aussi, à être avec l’autre, les autres.
Erri de Luca
a une écriture fine, limpide, économe, précise,
affûtée. Un style qui correspond parfaitement à
l’économie même de la nouvelle, qui aime aller
à l’essentiel. Et qui lui permet, en même temps,
de mettre en avant, avec des mots simples et
d’autant plus percutants, toute la palette des
sentiments qui animent les hommes.
En
bref, voici un livre courageux et sincère, qui fait
œuvre de résistance. Salutaire par les temps
actuels.
Cathie
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