Pour lire et apprécier tout le sel de ce roman de Max
Hallmann, il faudrait paradoxalement
lire la première, puis la dernière phrase
avant de se plonger dans la galerie de portraits
d’individus qui peuplent la ville de Porto
Alegre, et, en particulier celui de l’auteur,
atteint d’une étrangeté congénitale dont il
s’explique dès le premier chapitre : un
serpent est enroulé autour de son cœur, et selon
que la bestiole serre ou desserre son étreinte,
notre héros est plus ou moins oppressé.
D’autant que ce serpent ayant un sale caractère,
il ne s’agit pas de le déranger avec des émotions
qui risquent de demander au cœur de s’emballer…
Las ! La vie n’est pas un long fleuve tranquille
pour Viktor, dit Vito et son ami Bruno.
Les autres protagonistes de cette histoire
apparaissent les uns après les autres, comme dans
une pièce de théâtre, à ceci près, qu’ici,
les apparitions se font dans le café-librairie
baptisé fort judicieusement « La Chimère »,
et ouvert à la suite d’une reconversion
professionnelle dans deux de leurs domaines de prédilection :
les livres et l’alcool.
L’idée étant que dans que dans cette ville, marquée
altermondialiste, il devait bien se trouver une
clientèle de gens aimant : 1) la bière, 2)
les livres, 3) les rencontres avec leurs semblables :
à savoir des personnes atteintes d’une
particularité « indicible » .
Et, de fait, cette clientèle existe, et finit par faire de
La Chimère, leur café et librairie
habituels.
Vito, le « je » de l’histoire tentant, au
travers et du lieu et de son atmosphère, de courir
après le pourquoi de ce qu’il appelle «
son étrange maladie ».
S’en suivra une enquête sur son père disparu vingt ans
auparavant, à la suite d’un rocambolesque enlèvement,
dont on se demande un peu ce qu’il vient faire
au milieu de cette faune sympathique.
L’enquête pour retrouver le père de Vito,
s’enchaîne dans l’histoire très récente de La
Chimère jusqu’à tant qu’on en vienne à
souhaiter que ce père refasse vite surface et
qu’on n’en parle plus.
Après bien des aventures rocambolesques : amours,
cuites, et colère du crotale, Vito apprendra
qui est son géniteur, où il est, qui est vraiment
sa famille, son kidnappeur et bien d’autres choses
encore sur un monde secret, parallèle, peu visible
au simple être humain dont le grand ordonnateur
serait le Destin, aidé ou devancé par le Hasard.
Rien de très nouveau dans cette parabole sur le destin et
le hasard, et, si ce n’est cette « recherche du père » un peu trop longue à mon avis, quelle
verve, quelle inventivité dans les portraits des
personnages, mélanges de Rabelais et de Men
in Black : pas regardables sans un frisson
mais rendus sympathiques par leur propension à être
des gens « ben ordinaires » et prompts
à régler leurs problèmes autour d’une bonne
bouteille, surtout si celle-ci contient un petit
ingrédient qui fait une énorme différence...
Courez-y vite en demander un verre à liqueur à La
Chimère !
Lise
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