Dans Les jours fragiles, Philippe Besson se glisse dans la peau d'une femme : Isabelle Rimbaud, la
sœur du poète. Ce dernier est rapatrié d'Afrique, à Marseille, où il est gravement malade et subit une amputation de la jambe. L'enfant du pays va rentrer sur ses terres des Ardennes, dans ce pays qu'il n'a jamais aimé et a toujours rejeté, comme ses origines, d'être un enfant de "gens de peu". Arthur est souffrant, convalescent dans la ferme familiale où vit encore sa mère, muette de réprobation et d'aversion, et sa
sœur Isabelle, compatissante, frustrée et partagée entre son amour pour son frère et sa colère après lui. Lui à qui elle reproche, dans son journal, seulement par écrit, car il y a beaucoup de choses qui ne se disent pas de vive voix dans cette famille. Elle lui reproche donc d'avoir brûlé sa vie, d'avoir été au-devant de ses malheurs et des souffrances actuelles, se punissant lui-même mais aussi sa famille. Elle lui en veut mais sa foi chrétienne l'excuse et la rend sourde et aveugle, amnésique également. Pourtant Arthur, lui, brûle de retourner en Afrique, de retrouver un grand et dernier amour perdu, de se délivrer de ses démons et d'avouer des confessions choquantes aux oreilles de sa
sœur restée vieille fille. En somme, ce roman est un étrange déballage de bons et mauvais sentiments entre un frère, une
sœur et en filigrane une mère. Un portrait sans ambages d'un poète qui a perdu de sa superbe, d'une
sœur qui tente d'analyser la vie des siens, le gâchis, les silences et la mort qui approche. Rimbaud est condamné et Isabelle écrit dans son journal ses derniers jours, ces "jours fragiles".
C'est beaucoup d'amour dans ce roman, mais c'est poignant, fataliste et implacable. On s'y trouve dans ces Ardennes grises et lugubres, durant cet été 1891, où les jours vont s'écouler comme des grains dans un sablier du temps. Fatalement beau mais sinistre.
Stéphanie
Verling
Date de
parution : Août 2004
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