roman

Eric Hazan - LQR, La propagande au quotidien

Rasins d'agir - 130p, 6€

[3.5]

 

 

Qu'est-ce donc que cette LQR, cette Lingua Quintae Respublicae? Pour Eric Hazan, il s'agit de tous les abus de langage, les néologismes et autres détournements de sens qu'utilisent au quotidien les hommes politiques et les médias, mêlés et complices. Pour faire dans la traduction latine, la LQR est surtout la langue officielle de la 5e République agonisante, certainement déjà morte depuis longtemps selon l'auteur de cet essai. Car pour lui la République 5e du nom a été vidée de son sens comme les mots "modernité", "réforme", "valeurs universelles" qui débordent de la bouillie de la communication moderne.

Si le détournement de sens est le vice le plus visible, les euphémismes n'en sont pas moins graves. Par exemple, pourquoi les "exploités" deviennent "exclus"? Personne ne sait. Ce qui est sûr c'est que malgré ce terme on ne cherche pas les responsables, ni de quoi ils sont "exclus". De la société? Du droit au bonheur, à l'existence même? Malgré la sémantique, il est clair qu'ils sont pourtant toujours bel et bien exploités !

En tout cas, ce genre de négation participe au climat amorphe et inefficace actuel, qui préfère les mots nouveaux  telle "la gouvernance" qui ne veulent rien dire à une quelconque action. L'analyse d'Eric Hazan n'épargne personne. Gauche et droite se confondent et se mélangent dans cette même langue abjecte insensée, et pire, les médias participent eux aussi à cette propagande linguistique en reprenant la même langue que ceux qui l'ont inventé. Là où Eric Hazan abuse lui aussi de la langue française est quand il voit là une situation à la "Big Brother" cherchant à tout prix à abrutir le peuple en lui servant une soupe facile à comprendre à la télévision, mais qui ne nécessite ni son jugement, ni une quelconque réflexion. Encore moins qu'il ne descende dans la rue bien évidemment.

Et les responsables de ce complot de littérateurs, où sont-ils? Ce sont les vilains libéraux, les affreux patrons partis en croisade main dans la main avec les hommes politiques et les journalistes. C'est quand ces thèses visiblement marxistes apparaissent qu'Eric Hazan s'éloigne de la raison. Sa présentation des faits et sa première analyse touchent juste. Son interprétation politique est elle en revanche plus discutable... à moins que cela ne soit pire et que l'essayiste ne nous décrive ce que deviendra la France dans 20 ans. Là, la LQR deviendrait vraiment inquiétante. Même si son état actuel de langue officielle de la langue de bois et des promesses en l'air n'est pas plus enviable ou honorable.

 

Julien Damien

 

Date de parutionfévrier 2006

 

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