roman

Bret Easton Ellis - Lunar park

Éditions Robert Laffont - 378p, 20€

[5.0]

 

 

Le protagoniste principal de ce récit est un écrivain nommé Bret Easton Ellis, auteur à succès de livres controversés, qui nage dans les dollars, l’alcool et la came. Tout de suite, évidemment, ça nous rappelle quelqu’un. Le personnage en question, en pleine crise de la quarantaine, est devenu père et époux, et, conformément au bon vieux schéma américain des classes moyennes, s’installe dans une banlieue chic, ("la banlieue, c’est la seconde division, un refuge pour les moins compétitifs") pour y mener, croit-il, une vie plus paisible que ce qu’il a pu connaître jusqu’alors. Bien sûr, il n’en sera rien. La moquette de son salon commence à pousser, les meubles changent de place tous seuls, la couleur des murs de sa maison vire au rose, il a de sérieuses inquiétudes quand aux sombres desseins de la peluche de sa belle-fille. Dans son quartier, des enfants disparaissent mystérieusement, le fantôme menaçant de son défunt père le poursuit, les personnages de roman qu’il a crée dans le passé reviennent le hanter.

 

A l’opposé du style logorrhéique assez pénible de Glamorama, son avant-dernier roman, on retrouve ici l’écriture fluide, légère, de Moins que Zéro, premier ouvrage de l’auteur, publié dans les années 80. Bret Easton Ellis maîtrise ici parfaitement son récit, avec l’humour détaché qui le caractérise, et un sens de l’autodérision réjouissant. Un exercice pourtant difficile, sur le thème douloureux de la non communicabilité entre pères et fils et le bilan sans appel qui en découle : rien n’est rattrapable, l’enfance gâchée est un fantôme qu’on ne peut faire taire, quoi qu’on puisse tenter pour l’oublier. Bret Easton Ellis reste le petit garçon hanté par un père violent et alcoolique, (dont il s’est inspiré pour créer le personnage du serial-killer d’American Psycho), n’ayant rien trouvé de mieux, pour exorciser la souffrance du passé, que d’inventer un monde terrifiant dont, cette fois-ci, il est le maître.  Conjurer le mal par le mal. La génération actuelle des parents des classes moyennes américaines en prend au passage pour son grade : enfants surmédiqués, parents paranoïaques. L’auteur explique lui-même que le mot d’ordre américain étant de garder le contrôle à tout prix, (surtout depuis le 11 septembre) les enfants font les frais de ce diktat impitoyable. Contrôler sa progéniture, augmenter leurs médicaments lorsque leur comportement dépasse les bornes du socialement admis, les faire rentrer dans le moule à leur corps défendant. La frayeur des parents devant un monde aux repères fracassés, l’ inquiétude des enfants devant le comportement erratique de leurs parents, la peur, encore et toujours, qu’on tente d’éradiquer par tous les moyens.

 

Absolument dénué d’auto complaisance et férocement drôle, l’apparent détachement de Bret Easton Ellis laisse néanmoins apparaître une mélancolie tenace qui s’empare du lecteur une fois le livre fermé. Les tourments de l’enfance et ses ravages indélébiles dans le temps amènent à un triste constat : on n’en guérit jamais. En cela, ce livre touche à l’universel.

 

Il est dommage que cet ouvrage ait été le fruit d’une campagne promotionnelle censée émoustiller le lecteur sur le thème de "où est le vrai du faux, dans ce livre ?". L’éditeur américain a truffé le web de faux sites officiels tentant d’égarer le lecteur et créer la controverse. Ce n’était pas nécessaire ; le talent est la meilleure publicité d’un auteur, et Bret Easton Ellis en a à revendre. Un livre qui vous hantera longtemps.

 

Isabelle Meursault

 

Date de parution : octobre 2005

 

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Plus+

Site officiel de Bret Easton Ellis

 

Sur sa supposé-femme :
www.jayne-dennis.com 
www.jaynedennis.com 

 

Sur son supposé-fils :
http://myspace.com/lunarpark

 

Autres liens :

www.randomhouse.com/knopf/authors/eastonellis

www.northeasternparanormalsociety.com