Le
protagoniste principal de ce récit est un écrivain
nommé Bret Easton Ellis, auteur à succès
de livres controversés, qui nage dans les dollars,
l’alcool et la came. Tout de suite, évidemment,
ça nous rappelle quelqu’un. Le personnage en
question, en pleine crise de la quarantaine, est
devenu père et époux, et, conformément au bon
vieux schéma américain des classes moyennes,
s’installe dans une banlieue chic, ("la
banlieue, c’est la seconde division, un refuge
pour les moins compétitifs") pour y mener,
croit-il, une vie plus paisible que ce qu’il a pu
connaître jusqu’alors. Bien sûr, il n’en sera
rien. La moquette de son salon commence à pousser,
les meubles changent de place tous seuls, la couleur
des murs de sa maison vire au rose, il a de sérieuses
inquiétudes quand aux sombres desseins de la
peluche de sa belle-fille. Dans son quartier, des
enfants disparaissent mystérieusement, le fantôme
menaçant de son défunt père le poursuit, les
personnages de roman qu’il a crée dans le passé
reviennent le hanter.
A
l’opposé du style logorrhéique assez pénible de
Glamorama, son avant-dernier roman, on
retrouve ici l’écriture fluide, légère, de Moins
que Zéro, premier ouvrage de l’auteur, publié
dans les années 80. Bret Easton Ellis maîtrise
ici parfaitement son récit, avec l’humour détaché
qui le caractérise, et un sens de l’autodérision
réjouissant. Un exercice pourtant difficile, sur le
thème douloureux de la non communicabilité entre pères
et fils et le bilan sans appel qui en découle :
rien n’est rattrapable, l’enfance gâchée est
un fantôme qu’on ne peut faire taire, quoi
qu’on puisse tenter pour l’oublier. Bret
Easton Ellis reste le petit garçon hanté par
un père violent et alcoolique, (dont il s’est
inspiré pour créer le personnage du serial-killer
d’American Psycho), n’ayant rien trouvé
de mieux, pour exorciser la souffrance du passé,
que d’inventer un monde terrifiant dont, cette
fois-ci, il est le maître. Conjurer
le mal par le mal. La génération actuelle des
parents des classes moyennes américaines en prend
au passage pour son grade : enfants surmédiqués,
parents paranoïaques. L’auteur explique lui-même
que le mot d’ordre américain étant de garder le
contrôle à tout prix, (surtout depuis le 11
septembre) les enfants font les frais de ce diktat
impitoyable. Contrôler sa progéniture, augmenter
leurs médicaments lorsque leur comportement dépasse
les bornes du socialement admis, les faire rentrer
dans le moule à leur corps défendant. La frayeur
des parents devant un monde aux repères fracassés,
l’ inquiétude des enfants devant le comportement
erratique de leurs parents, la peur, encore et
toujours, qu’on tente d’éradiquer par tous les
moyens.
Absolument
dénué d’auto complaisance et férocement drôle,
l’apparent détachement de Bret Easton Ellis
laisse néanmoins apparaître une mélancolie tenace
qui s’empare du lecteur une fois le livre fermé.
Les tourments de l’enfance et ses ravages indélébiles
dans le temps amènent à un triste constat :
on n’en guérit jamais. En cela, ce livre touche
à l’universel.
Il
est dommage que cet ouvrage ait été le fruit
d’une campagne promotionnelle censée émoustiller
le lecteur sur le thème de "où est le vrai du
faux, dans ce livre ?". L’éditeur américain
a truffé le web de faux sites officiels tentant
d’égarer le lecteur et créer la controverse. Ce
n’était pas nécessaire ; le talent est la
meilleure publicité d’un auteur, et Bret
Easton Ellis en a à revendre. Un livre qui vous
hantera longtemps.
Isabelle
Meursault
Date de
parution : octobre 2005
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Plus+
Site officiel de Bret Easton Ellis
Sur sa supposé-femme :
www.jayne-dennis.com
www.jaynedennis.com
Sur son supposé-fils :
http://myspace.com/lunarpark
Autres
liens :
www.randomhouse.com/knopf/authors/eastonellis
www.northeasternparanormalsociety.com
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