« Ce
que doit être la nouvelle, après en avoir
publié plus d'une centaine, je ne le sais toujours
pas. Mais je sais qu’écrire une nouvelle est un
travail long et difficile. Comme celui du peintre ou
du romancier ? Bien sûr. Avec toutefois cette
particularité que la brièveté du texte final, son
évidence, sa simplicité ne conservent aucun
souvenir des essais, brouillons, reprises et
corrections successives. Le travail du nouvelliste
c'est aussi d'effacer toute trace de son travail ».
Ainsi parle Annie Saumont de son travail.
Elle est devenue une des plus importantes
nouvellistes de la littérature nationale et a
obtenu en 2003 le Prix de la Nouvelle de l’Académie
Française pour Un soir, à la maison.
Son
dernier ouvrage publié dans la jolie collection
Arcanes chez Joëlle Losfeld est divisé en
deux grandes nouvelles : Nabigora et Le
Trou.
Dans
Nabigora, premier mot d’une incantation,
c’est la vie de Cathie soudain isolée et démunie
suite au décès (accidentel ?) d’Annette sa
sœur jumelle tombée d’un mur. Un mur que Cathie
s’approprie, défend bec et ongles contre
l’invasion d’Elsa ou Petitbout le petit frère.
En quelques scènes de la vie quotidienne d’une
petite fille : école, jeux et scoutisme, Annie
Saumont montre comment la perte d’un être
cher et le deuil bouleversent la vie d’une
famille.
Le
Trou,
dans la seconde nouvelle, est l’élément
symbolique qui relie les deux histoires évoquées
dont les dernières pages nous révéleront ce qui
les unit. Entre les jeux de quatre garçons
participant à un concours de sable sur une plage et
l’attirance d’un soldat lointain, quelque part
dans l’Extrême-Orient, pour une jeune femme cachée
au fond d’un abri, quelles relations ou quels
liens ? N’en disons ici pas davantage sur
l’histoire et reconnaissons avec l’auteur la prédominance
de l’enfance, de ses moments forts et tragiques
sur la difficulté à construire sa vie.
Beaucoup de tendresse, de pouvoir de suggestion,
dans ces deux nouvelles, renforcés par une écriture
fluide et simple, dans laquelle la ponctuation et la
syntaxe font de temps en temps relâche, insufflant
au texte vivacité et pragmatisme. L’auteur de C’est
rien ça va passer sait parfaitement présenter
ses personnages en quelques traits significatifs les
rendant de suite uniques et identifiables. Le style
est plus allusif que descriptif ; la porte est
laissée largement ouverte à l’imaginaire du
lecteur. C’est aussi la force et la singularité
de la nouvelle bien sûr.
Totalement
engagée auprès de ses personnages souvent démunis
ou blessés, Annie Saumont offre une littérature
du réel montré sans fard et mérité largement son
titre de grande dame de la « nouvelle »
nouvelle française.
Patrick
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