Jean-Patrick Manchette -
Nada
folio
policier - 2003
Il faudrait plus que ces quelques lignes
pour parler raisonnablement de l’œuvre du plus grand
écrivain de polar français, mais là n’est pas mon
objectif. Simplement pour ceux qui ne connaissent pas
les grandes lignes de la bio et de la bibliographie de Jean-Patrick Manchette
on peut rappeler que Manchette, décédé en juin 1995 à l’âge de
53 ans, reste avec 10 romans à son actif, la référence,
qu’il s’agisse du romancier ou du critique.
Engagé dans l’action politique
pendant la guerre d’Algérie, il continuera à militer
sa vie durant, en particulier avec les situationnistes.
C’est un passionné de jazz, de cinéma, et de roman
noir américain mais aussi de littérature en général,
avec une particulière dévotion pour Gustave
Flaubert. Très inspiré de Dashiell Hammett,
d'Horace McCoy et de James Cain, Jean-Patrick
Manchette rénove le roman noir français en y
introduisant des préoccupations politiques et
sociologiques et en se rapprochant de l'écriture cinématographique.
Critique littéraire et de cinéma, scénariste, il est
l'auteur d'une dizaine de romans policiers, publiés
pour la plupart dans la collection «Série noire»
de Gallimard, parmi lesquels l'Affaire N'Gustro
(1971), Nada (1972), Morgue pleine (1973),
Que d'os ! (1976), Fatale (1978) et la
Position du tireur couché (1982).
Mais le roman qui nous intéresse plus précisément
ici s’intitule Nada et a été écrit en 1972. Nada
raconte l’histoire d’un groupe
d’extrême gauche qui kidnappe l'ambassadeur américain
alors qu'il se rend dans une maison de passe parisienne.
Écrit en 1971, ce roman, où prédomine l'action,
retrace bien l'ambiance de l'époque. En France,
plusieurs factions gauchistes s'interrogeaient sur la nécessité
de mener des actions terroristes à l'image de celles
qui se déroulaient dans d'autres pays d'Europe. À
cette question, Manchette, qui signe ici son polar le
plus engagé, fournit, par l'intermédiaire d'un de ses
personnages, une réponse sans ambiguïté : "Le
terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique, quoique
leurs mobiles soient incomparables, sont les deux mâchoires
du même piège à cons."
Ce roman adapté au cinéma par
Claude Chabrol en 1973, révèle de troublantes
ressemblances avec l’histoire du groupe action directe
et notamment l’assaut de la ferme de Vitry-aux-loges
par les hommes du commissaire Broussard qui se déroula
en 1987, soit près de 15 ans avant l’écriture de ce
roman.
Nada se révèle comme donc comme un roman hyper-réaliste
dans lequel Manchette montre qu’il avait déjà
compris beaucoup de choses sur l’engagement dans la
lutte armée, sur ses fins et ses moyens. L’aspect réaliste
et visionnaire de ce roman et tout son côté « portrait
d’une époque »
voit son trait encore plus appuyé par le style
de Manchette qui peut se traduire notamment par
descriptions épurées et objectives du quotidien
implacable de tout à chacun. Mais aussi par une façon
de décrire des comportements des personnages avec un
point de vue extérieur. L’auteur ne fait jamais aucun
commentaire subjectif sur ceux-ci, ne donne aucune
indication sur ce que pourraient être leurs pensées ou
leurs sentiments. Il a un regard totalement neutre sur
ses personnages. Ces parti-pris esthétiques accentuent
encore le côté désespéré des intrigues de Manchette
et les rendent impitoyables, voire absurdes.
Parmi ses descendants on citera, Didier Daeninckx,
Jean-Bernard Pouy ou Thierry Jonquet qui,
par certains aspects de leur romans, peuvent revendiquer
la filiation.
Benoît
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