Sophie
et Max se sont rencontrés dans un cimetière à
Nice. Sophie n'avait pas dix ans et enterrait son père.
Max est le gardien du lieu, il est intrigué par
cette enfant avec son bouquet de mimosa, qui n'a pas
conscience de la mort. Max a aussi une plaie béante
depuis la déportation de sa petite amie juive
Hanna, âgée de 17 ans, avec toute sa famille qui
logeait dans le même immeuble que ses parents.
Aujourd'hui à soixante ans, Max a encore l'espoir
qu'elle revienne, du moins il y pense tout le temps.
Chaque
année, Sophie se rend sur la tombe de son père, au
début comme le devoir fidèle d'une petite fille,
qui attend que son père se réveille, puis comme
une adolescente, en crise, mal dans sa peau, qui ne
comprend plus sa mère, laquelle se remarie. Et
enfin comme une jeune femme, plutôt brillante étudiante,
mais toujours vierge à vingt-cinq ans. Sophie
raconte tous ses ennuis, son souci de créer une
image paternelle, de chercher chez ses fiancés la
rigueur qu'elle attendait d'un père. C'est dur pour
elle de se construire, de combler un silence,
finalement plus fort et douloureux que l'absence.
Insidieusement,
Max et elle se comprennent car ils ressentent les mêmes
peines, les mêmes manques. Tous deux ont besoin du
rendez-vous annuel autour d'une tombe, d'une lettre
déposée sous une pierre et de quelques mimosas.
Faire son deuil, couvrir le vide immense et trouver
des réponses à des questions qui n'en ont pas...
Sophie et Max, on les aime d'office. D'abord en
toute innocence, leur histoire est une belle
rencontre, l'espoir que cette première fois en
appelle d'autres, pousse l'un et l'autre vers de
meilleurs jours... Puis le roman gagne en épaisseur,
surtout concernant les confidences de Sophie. Ses
raisonnements suivent le cours d'une fillette qui
grandit, traverse l'adolescence, se confronte à sa
mère et sa grand-mère, tente de tomber amoureuse,
d'être remarquée par les garçons. Max, de son côté,
revit sempiternellement le départ de son amour, se
revoit aux portes du Lutetia pour l'accueillir,
avoir de ses nouvelles. Il est aujourd'hui fidèle
à un souvenir, partage son quotidien avec Thérèse
(de Lisieux) et son amie fleuriste prénommée
Marilyn.
Personnellement, je ne pensais pas m'attacher autant
à ce roman et ses personnages. J'ai beaucoup apprécié
son envolée, son analyse plus poussée (tout en
restant intimiste) de la vie de Sophie, de Max et
des autres. La construction du roman donne également
de l'élan, nourrit l'intrigue, porte le lecteur à
en vouloir plus, pour connaître le mystère des
lettres, par exemple. Le père éternel est
déjà un titre solennel, à la fois mystique,
passionné et criant d'amour. Commencé sans
effusion, le roman d'Anne Goscinny
gagne en ampleur, sa chaleur se diffuse et emporte
le lecteur pour 200 pages de tendresse.
Stéphanie
Verlingue
Date de
parution : 3 octobre 2006
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