Depuis quelques années aussi bien au cinéma que
dans la littérature policière, sont apparus et se
sont développés deux types de personnages :
le tueur en série, autrement baptisé « serial
killer » et le profiler, policier atypique et
psychologue qui établit une communion virtuelle et
anticipatoire pour débusquer le tueur.
Le dernier ouvrage de Morten Harry Olsen,
jeune auteur norvégien qui a par ailleurs étudié
la criminologie, la philosophie et l’art
dramatique, met en scène ces deux nouveaux caractères.
D’une part, Tom Sundbye ancien flic retiré des
affaires suite à un passage à tabac d’un
incendiaire relâché s’est reconverti dans l’écriture
de polars à succès. D’autre part, un assassin déterminé
et macabre répète à l’identique ses actes perpétrés
sur le même profil de victimes : de jeunes
femmes, et dans des conditions semblables.
Tom
est ainsi rappelé par son ancien supérieur pour
enquêter sur cette histoire. On lui affecte en même
temps l’intelligente et non-conventionnelle
Vibecke, psychologue et touche-à-tout experte en
informatique. L’étude approfondie des rituels développés
par le tueur fait ressortir un lien évident avec
des coutumes pratiquées dans l’Egypte ancienne,
comme l’embaumement ou l’éviscération de
certains organes. Très vite, c’est le mythe d’Isis
et Osiris qui apparaît comme fil conducteur et
raison d’agir du criminel. Dès lors, l’approche
psychologique du tueur se précise, favorisée de
manière inattendue par le concours d’une médium
et d’un agent zélé.
La
relation particulière qui peut se créer entre un
serial killer et le profiler passe essentiellement
par une osmose de pensées et la capacité du second
à se mettre dans la peau du premier. L’aspect
factuel n’est donc pas primordial ou plus précisément
l’élucidation est envisageable grâce à
l’extrapolation purement intellectualisée des
faits et gestes du tueur. Le cérébral l’emporte
de loin sur le physique, la réflexion sur
l’action.
Ce qui explique que le roman de Olsen soit
avant tout un échange de paroles et de
raisonnements dialectiques, essentiellement entre
Tom et Vibecke. C’en est à la fois sa force et sa
faiblesse, car il est effectivement difficile de matérialiser
les méandres du cheminement intellectuel d’un
individu. Autrement dit, l’ennui perce parfois à
la lecture de ce roman, au dénouement faiblard,
comme si l’auteur n’avait su comment le finir.
Le soufflé bien préparé et entretenu retombe
presque abruptement. Dommage parce que les
personnages ont une réelle épaisseur. Loin d’être
monolithiques, Tom et Vibecke révèlent leurs fêlures
et leurs failles.
Totalement
inscrit dans la réalité norvégienne dont les
habitudes de vie et quelques références
culturelles l’imprègnent, Tiré au sort
est également un roman fort bien documenté, le
rendant tout à fait crédible. C’est sans doute
le décalage entre la mise en place de l’histoire
au suspens palpitant – le personnage du tueur
aurait mérité un développement plus important –
et une résolution un tantinet raplapla qui
n’autorise pas une adhésion totale.
Comme
une bonne idée pas totalement aboutie malgré une
construction sans défauts apparents. Comme s’il
manquait juste un petit supplément d’âme qui
nous rendrait les personnages plus consistants et
moins froids.
Patrick
Éditions
Gaïa « Chiroulet »
40250
Larbey
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