Le dernier roman de Claire Castillon se résume
à deux syllabes : trou-blant. On plonge dans cette
histoire en apnée, on en ressort en fermant le
livre, après l'avoir lu d'une traite. Les idées
sont confuses, mêlées, embrouillées. On se
demande si on a tout compris, si on n'a pas divagué...
On retourne le livre et relit la quatrième de
couverture et là j'ai le sentiment d'expirer. De
saisir l'intention de l'auteur. Et de me frotter les
yeux et de me pincer : non, tu n'as pas rêvé.
Vous parler d'elle, c'est parler d'une jeune
fille sans nom, qui parle d'elle à la première
personne. C'est une enfant qui se réfugie sous le
toit de sa maison, sous le toit de son enfance. De là,
elle se cache et guette les bruits dans la maison.
Et tour à tour elle va dégainer une litanie de
souvenirs, de désordres réels ou imaginaires, de
songes, de désespoirs. Bref, on ne sait plus trop
si l'on est dans le vrai ou l'irréel. C'est ça le
problème. Cette jeune fille parle de sa famille :
une maman chérie qui travaille à la pharmacie, en
habit de bourgeoise et les ongles peints de vernis.
Un papa que sa soeur et elle se disputent l'amour
absolu. Un petit frère qui souffre d'une paralysie
du palais et ne peut plus parler pendant des années.
Et puis il y a aussi les amours, essentiellement le
Menteur. Et de cet homme, elle souhaiterait s'en débarrasser,
régler ses comptes et se montrer la plus forte.
C'est bizarre, à la fois bouleversant et dérangeant.
L'univers de Claire Castillon est bizarroïde,
on s'aime trop fort, on se venge par coups bas et on
se déteste à vie. On ne pardonne rien, jamais, et
puis on s'en veut, on supplie d'être pardonné, en
rampant. C'est proche de la perversion, mais c'est
écrit en toute innocence. Comme si on n'y pouvait
rien et qu'il fallait s'en excuser.
En somme ce roman, c'est la libération de cette
narratrice de ses vieux démons, ses
"pouilleries" comme elle dit. Elle les dépose,
s'en débarrasse. Trop contente car ils l'habitent
depuis trop longtemps. Et trop, c'est trop. Au
lecteur, donc, de s'en saisir et de les prendre, les
porter, mais ça ne leur ira pas car ce sont celles
d'une autre. Evidemment.
Stéphanie
Verlingue
Date de
parution : août 2004
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