Chez
Blutch,
lorsqu’il est question de Volupté,
on est plus proche de la définition du Larousse ("plaisir
des sens, jouissance de l’esprit" que de chez
Baudelaire. Ici, point de calme, un peu de luxe, de
luxure même, et pas mal de volupté, donc. L’auteur
s’en remet à ses fantasmes primaires, on n’est plus
dans la bande dessinée codifiée et facilement
identifiable, Blutch
n’a plus rien à prouver, il s’évade dans les méandres
de ses dessins brouillons, bruyants et brillants, et il
devient difficile mais passionnant de le suivre.
Le
dessin est désormais sublime : l’auteur ne
s’accorde que deux tonalités et un seul matériau :
un crayon tantôt noir pour les sentiments obscurs,
tabous, les zones d’ombre de ses personnages
atypiques, et tantôt rouge pour passionner les
situations, érotiser les cases, provoquer l’émoi
jusqu’à l’orgasme. Défilent des pages déconstruites,
de véritables œuvres d’art, que le papier des éditions
Futuropolis
rend encore plus superbes. L’agencement des cases, si
cases il y a, devient parfaitement anarchique, et les
petites histoires également.
Des
situations qui se font écho, qui se croisent ou se
maintiennent à distance les unes des autres, et des scénarios
vraiment drôles, dans le sens le plus littéral du
terme, c'est-à-dire à la fois étranges et souvent
amusantes : voici la teneur de cet album
particulier.
Blutch l’éternel cynique devient ici un peu désabusé
et s’amuse à dérouter et provoquer le lecteur dans
ses fantasmes souvent sexuels : un singe est
recherché par des hommes, cette bête s’intéresse
aux femmes, les femmes ont besoin d’une bête pour
jouir : l’éternel thème du plaisir primal, cher
à l’auteur, qui trouve ici son apogée dans de beaux
dessins sensuels et presque malsains, car on aime tous
se délecter de pages qui mettent un peu mal à
l’aise. Autour de cette trame se tissent des saynètes
décalées, s’articulant toutes autour du thème de l’avidité, de la recherche de
l’orgasme, tout en se dégageant joliment des clichés
inhérents au genre.
Ceci
étant, La Volupté
n’arrive pas à convaincre tout à fait : on décroche
assez souvent devant l’accumulation d’idées souvent
saugrenues de l’auteur, qui décline le thème
voluptueux sous ses formes les plus complexes (sexe,
solitude, tabou, pouvoir) sans prendre de gants. Mais
les dessins emportent l’adhésion : rarement Blutch
aura été aussi suggestif, aussi imposant, agressif et
fascinant. C’est vraiment de l’illustration
majuscule, qui confine à l’Art, tout simplement. On
attend impatiemment une exposition qui lui serait
consacrée…
Jean-François
Lahorgue
Date
de parution : octobre 2006
Plus+
Blutch
- Total jazz
Blutch
- C'était le bonheur
|