Jeune
auteur d'à peine 30 ans, Julien Bouissoux a vécu
successivement à Clermont-Ferrand, Rennes, Paris,
Londres, Toronto, Seattle, Budapest, avant de
revenir à Paris.
Rencontre
au "livre sur la place" à Nancy avec un auteur discret
et charmant à découvrir à travers son troisième
roman "Juste
avant la frontière" qui
parait aux éditions de l'olivier, alors que
ses deux précédents ont été réédité en poche.
Comment
es-tu venu à l’écriture ?
En
fait ’ai commencé à 17 ans à écrire dans
l’optique d’un roman, c’était plus des petits
fragments d’écriture comme ça. Je pensais que ça
allait se raccorder un jour, mais ça c’est pas
fait… mas l’envie était là. J’ai persévéré,
et au bout du troisième manuscrit ça a commencé
à prendre forme et puis voilà… y’a eu fruit
rouge et la suite.
Tes
personnages ont quelque chose de mélancolique, on
les sent un peu largué, un peu dépassés par la
vie… c’est quelque chose que tu ressens toi
aussi ?
Oui
par moment c’est vrai, et aussi par la force des
choses… de ne pas avoir de boulot, de ne pas en
chercher...
Écrivain
est donc ton métier ?
Totalement !
J'ai fait fait mes études, mon service à l’étranger
et maintenant Je vis de l’écriture… mal certes,
mais c’est de ça que j'ai envie de vivre (rires).
Pour
en revenir à mes personnages et leur coté mélancolique,
on ne peut pas dire que ça soit volontaire, souvent
je le découvre seulement à la fin de l'écriture
du roman. J’ai une lecture qui est très différente
des gens. En fait avant tout j’essaie d’être
honnête, de faire des personnages honnêtes, y’a
pas ce coté "pipoteur" chez mes
personnages. J’essaie d’écrire sans trop réfléchir,
à l’instinct. Y’a pas vraiment de profil type,
les traits des personnages se dégagent au fur et à
mesure que j'écris.
je
pense que de la mélancolie découle parfois la drôlerie.
C’est souvent le cas... regarde chez Chaplin par
exemple, son cinéma est drôle et mélancolique à
la fois.
Tu
dis dans Juste avant la frontière :
"Il y a des villes où on peut commencer
quelque chose, d'autres où refaire sa vie, et plein
d'autres pour la finir. Sûrement Paris c'est tout
ça à la fois."
Paris
n’est pas une ville qui me fascine ; En fait
à Paris on apprend tout sauf l’humilité.
J’habite Paris depuis 3 ans parce que
j’y ai un point de chute… mais plus ça
va moins je m’y sens bien. Cette ville, plutôt
que de stimuler mon écriture, la stérilise. Mais
bon j’arrive à créer ma petite bulle malgré
tout, à me préserver. Paris est une ville qui
exclue je trouve, les ouvriers ont quasiment
disparus, y’ a de moins de moins de mixité, de mélange.
Et le coût de la vie, le prix des loyers fait que
Paris devient une ville qui chasse ceux qui ont des
moyens limités.
Tu
dis aussi : "Je
rêve encore de changer les choses à l’intérieur
et à l'extérieur de moi."
J’aimerais
par exemple que dans les salons du livre comme ici
à Nancy, les gens ne soient pas effrayés par les
romans qu'ils voient sur les tables, qu’il y ait
plus d’échange, de contact entre les écrivains
et les lecteurs. Les rapports deviennent de plus en
plus biaisés je trouve, on se préserve de tout, on
s’assure pour tout… les gens ne veulent plus
prendre de risque... oui c'est vrai, tout ça
j’aimerais que ça change un peu, que les gens
arrivent à la table et sourient simplement.
(sourire)
Y
a t-il des fils conducteurs entre tes trois romans ?
Non
pas vraiment… en fait comme je l'ai dit tout à
l'heure, je veux que chaque personnage soit honnête.
C’est quelque chose auquel je tiens beaucoup. Tu
vois dans la vie si quelqu’un te dis « j’aime
pas ton livre », qu’il te le dise
franchement sans tourner autour du pot. Donc oui, peut-être
retrouve t-on dans chacun de mes livres une forme d'honnêteté...
au sens chrétien du terme presque, d’honnêteté
intellectuelle envers soi.
Qu
est ce que tu pourrais faire si tu n’écrivais pas
de livres ? Euh,
je sais pas... jardinier, diplomate, scientifique,
chercheur au CNRS... être payé et faire un peu ce
que je veux, je sais que c’est sans doute
caricatural et réducteur… mais oui, avoir une
grande liberté dans mon travail, être détaché
des contingences matérielles. Et finalement
écrivain correspond bien à ça.
Pour
terminer, dernier disque acheté :
Le
Murat A bird on a poire... sinon il y
a quelques temps, mon concierge a mis la main sur
des vieux vinyles dans une cave laissés là par un
ancien propriétaire, une sorte de discothèque idéale…
j’ai découvert des tas de disques de jazz et de
classique… c’est vraiment bien de découvrir des
choses comme ça par hasard.
Dernier
livre lu :
Karine
Reysset En douce : c’est une belle écriture.
Dernier
film vu
Exils
de Tony Gatlif j’y allais un peu à
reculons, mais j’ai été très surpris un film
que j’ai trouvé très fort, très visuel, des
cadrages très beau.
Propos
recueillis par benoît Richard
Le
18 Septembre 2004
Plus+
Juste
avant la frontière
La
chute du sac en plastique
Karine
Reysset En douce
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