La
Route du Rock bénéficie d’un cadre exceptionnel :
le fort de Saint Père, construction du XVIIIème siècle
située dans la campagne bretonne et à quelques kilomètres
du sable fin des plages de Saint Malo. A la beauté du
site s’ajoute sa particularité : il est évidemment
inextensible. On est donc certain chaque année de
retrouver un festival à dimension humaine. Les
programmateurs, après s’être permis l’an dernier
une petite folie : la venue de The
Cure, sont revenus à une affiche plus conforme à
la spécificité du festival : quelques artistes
confirmés de « musique pas comme les autres »
et une bonne dose de découvertes.
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Les
festivités commencent sur la plage aux pieds des
remparts de Saint Malo par les siestes musicales :
on s’allonge sur des transats et on écoute quelques
performances sonores. Les organisateurs en ont dit :
« Plus cool ? Ca doit exister mais on n’est
pas sur que ce soit légal ». Confirmation avec Ulrich
Schnauss et ses boucles vaporeuses et planantes,
sortes de croisement entre Boards
of Canada et les premiers Slowdive.
On ne sort pas de ces ambiances tripantes avec Port-Royal,
groupe italien d’électro rêveuse.
Bon
nombre de groupes (notamment Placebo et Interpol) ont
fait leur premier concert français sur les terres
malouines, et c’est encore le cas avec les Howling
bells qui ouvrent le bal sur le fort. Bien loin des
horribles Kills à qui certains ont voulu les comparer, le groupe de l’envoûtante Juanita
Stein joue un rock racé, dépouillé et subtil.
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S’ensuivent les Why ?,
déjà aperçus l’an dernier en Belgique, et dont le
batteur survolté ne s’est pas calmé. Il tape
toujours d’une façon aussi déjantée pour
accompagner ce hip hop, bricolé, très pop, mais n’hésitant
pas à user d’harmonies vocales difficiles. Il n’est
néanmoins plus obligé de jouer de la basse en même
temps que de ses percus, le guitariste s’en chargeant
avec ses pieds. Dans le genre bricolé et déconstruit,
la pop des Islands
n’est pas mal non plus. Mais, le groupe nous
devait une revanche après leur performance de Dour,
saccagé par l’ingé-son. Et oh, joie ! Dans un
contexte pourtant plus difficile, le plein air, les
compositions des ex-Unicorns
retrouvent toute leur fraîcheur et leur énergie.
L’enthousiasme des Canadiens se communique à une
foule très réceptive. On se calme ensuite avec Calexico.
Personnellement, leur country aux accents mariachis ne
m’a jamais touché. Et sur scène c’est encore le
cas, malgré des belles reprises de Love
( le sublime « Alone again or ») et de Gainsbourg( « La chanson de Prévert »). On arrive
enfin au sommet de cette première soirée avec l’entrée
de Mogwaï. En cette nuit froide et venteuse, les Ecossais apposent
leurs couches de guitares en fusion, alternant les
orages électriques et les longues plages rêveuses,
sans jamais tomber dans l’automatisme ni sacrifier les
mélodies. Un concert intense et volcanique !
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Le
lendemain, le soleil, invité pourtant régulier du
festival, fait son unique apparition du week-end pour
l’arrivée sur les planches des You
say party ! We say die !, qui proposent du
punk-dance, comme ils le définissent eux même. Leur
musique n’est guère originale mais très énergique.
Leur set pêchu et leur joie de jouer conquièrent
facilement le public déjà présent. De l’inoriginalité
on passe au stade du carrément faisandé avec The Pipettes. Ce qui se veut une relecture des girls-groups des
60’s n’atteint péniblement que le niveau d’un
pastiche des Inconnus. Et encore ! Musicalement le trio comique était
certainement plus subtil. Sur scène, on rentre dans le
domaine du pathétique : trois pauvres filles dans
de courtes jupes vichys font semblant de danser avec
leur bras. L’une d’elle demande si quelqu’un dans
l’assistance se sent assez saoul, comme si elle se
rendait compte qu’il fallait être sérieusement imbibé
pour supporter ça. Changement de classe avec les Belle
and Sebastian. La bande à Stuart
Murdoch semble progresser à chaque concert. Ce qui
finalement pose problème : où sont passées la
fragilité et les maladresses qui faisaient le sel de ce
groupe ? On se retrouve avec un show parfaitement
maîtrisé mais un poil trop lisse.
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Jusqu’à
présent, un concert de Cat Power ressemblait à un numéro de funambule au dessus d’un précipice
tellement la demoiselle était stressée. Mais, ce soir,
quand, après deux longs morceaux d’introduction du Memphis
Rhytm Band, la troublante Chan
Marshall fait enfin son entrée sur scène, on sent
de suite que quelque chose a changé. L’américaine
sourit et s’essaie même à quelques pas de danse.
Rassurée par l’aisance de son groupe, elle pose sa
voix unique et écorchée sur les titres de son dernier
album. Le concert s’approche de la grâce pure lorsque
l’instrumentation se fait plus discrète pour « Where
is my love ? » ou quand Chan, seule, chante
le beau « I don’t blame you » et reprend
dans un tempo très lent « Hit the road Jack »
devant un parterre ensorcelé. A peine une demi-heure
pour s’en remettre et les terroristes soniques de TV
on the radio investissent le fort. Dans un style
moins bruitiste qu’il y a deux ans, les New Yorkais déploient
leur improbable métissage musical, emmenés par la
fougue du très impressionnant Tunde
Adebimpe. Leur show un peu court se termine par le
sismique « Staring at the sun ».
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Le
Dimanche, le vent et la grisaille reprennent leurs
droits pour la journée qui s’avérera musicalement la
plus aboutie. Les TV
personalities, ne donnant plus aucun signe de vie ,
sont remplacés au pied levé par les Grizzly Bear déjà présents l’avant-veille au Palais du grand
large. Le groupe de Brooklyn donne dans le lo-fi expérimental,
exigeant et un peu déprimant, pas forcément adéquat
pour un concert de plein air. Contraste saisissant avec
les fringants et surexcités Spinto Band. Leur power pop vitaminée, jouée avec un entrain et un
enthousiasme rares, vous flanquent directement un
sourire aux lèvres et des fourmis dans les jambes. Une
petite heure d’allégresse insouciante avant une
grosse heure de folie pure. C’est en effet Katerine
qui leur succède. Le Vendéen simplement vêtu d’un
caleçon est peinturluré du cou au pied. Cette œuvre
colorée, représentant le messie, lui conférant, nous
révélera-t-il pendant le concert à la grande joie des
10 000 personnes présentes, le pouvoir de multiplier
les bières. Notre dandy national enchaîne ses titres,
plus déjantés les uns que les autres, extraits
principalement de l’inénarrable Robots après
tout, improvisant des chorégraphies loufoques
devant un public chaud bouillant reprenant ces hymnes
improbables. S’ensuivent les Ecossais du jour qui sont
en fait la grosse tête d’affiche de cette édition
2006 : Franz
Ferdinand livrent un set efficace et beaucoup moins
monocorde qu’on aurait pu le craindre.
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C’est lors
des morceaux de rappel que leur côté « machine
à danser irrésistible » se met le plus en évidence
avec une batterie de folie (sur laquelle vont
s’acharner trois musiciens) et des lignes de basse
imparables, la guitare n’intervenant que par de brefs
à-coups énergiques. Et on se prend à rêver de ce que
donnerait un album de ces quatre-là produit par James
Murphy. Après leur performance, le fort se vide de
manière conséquente. Tant mieux, on sera à l’aise
pour apprécier les Band
of horses, dernier groupe à officier cette année.
Malgré tous les malheurs qui semblent s’acharner sur
leur leader ( problèmes de retour avec sa guitare, puis
avec son micro, coup de guitare basse dans les côtes……),
les américains, dans un style proche de Built
to spill, servent avec ferveur et sincérité leur
rock épique mené par une voix très habitée. Seul
regret : la brièveté de leur concert.
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Mais
d’une manière générale, le festival aura semblé
passer à une vitesse impressionnante. Est ce dû à une
contraction du temps provoquée par une trop grosse
quantité de bière ingérée ou plus simplement à la
qualité de la programmation ? Toujours est-il que
la Route du Rock paraît avoir trouvé son parfait équilibre
dans sa configuration actuelle, entre têtes d’affiche
attractives ( sans tomber dans le dinosaure ), nouveaux
groupes de la scène indé et combos plus expérimentales
(généralement réservé au Palais du grand large).
On
retiendra essentiellement de cette édition la fougue
des Spinto Band,
la folie de Katerine,
l’intensité des Mogwaï
et le sourire (si !si !) de Chan
Marshall.
Guillaume
Duranel
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